Un étranger en quête de racines, rattrapé par son passé… Tel est le cas de Gamliel, figure centrale de cette dernièreœuvre du prix du Livre Inter en 1980 pourLe Testament d’un poète juif assassiné. Gamliel est un homme d’un certainâge, le dos voûté de l’éternel étranger qui cherche à protéger son secret, aux aguets. Un réfugié aux États-Unis qui restera toujours un réfugié. Un déraciné échappé d’un exil pour entrer dans un autre, vivant dans le provisoire. Il écrit les livres d’un autre, connu, reconnu, ilvit dans le souvenir de ses amis. À l’heure des bilans, quittant son rôle de nègre, il se soumet à l’impérieux besoin d’écrire son « livre secret », nourri de sa mémoire et de son être. Une mémoire habitée par les conflits de la seconde moitié du vingtième siècle, de la Seconde Guerremondiale à l’invasion soviétique à Budapest, du stalinisme au Mur de Berlin, une mémoire où se mêlent des individus marqués par la grande histoire. Et c’est précisément dans cette grande histoire qu’Elie Wiesel tisse la toile de son récit agité par quelques destins, dont une lumineuse chanteuse de cabaret… Avec pudeur et la volonté de décrire un certain triomphe de l’humanité, c’est là un roman qui fait la part belle aux oubliés, extirpés de la fosse commune de l’histoire.-