J’ignorais que le destin m’avait donné rendez-vous ce jour-là à Méjanes. J’avais quatorze ans. Je me rappellerai toute ma vie l’entrée de ce taureau dans l’arène, la violence inouïe de son irruption, cette masse noire, indomptée, frénétique. Il n’était plus question de faire semblant, j’avais sous les yeux un pur moment de vérité. Deux heures plus tard, je sortais de l’arène épuisée, les jambes coupées, la tête vide, mais heureuse. Alors, je me suis tournée vers ma mère, et je lui ai jeté au visage :  » Ici, on vit pour de vrai, on meurt pour de vrai. Et moi, je serai torero, parce que torero, c’est la vie pour de vrai.  » Marie Sara est la fille d’Antoine Bourseiller, acteur, écrivain et metteur en scène, et de Chantal Darget, comédienne. Fragile et gâtée, elle passe son enfance dans le confort d’un douillet appartement parisien, bercée par la bohème des artistes, le phrasé magnifique des grands textes littéraires et l’irremplaçable chaleur d’une maison où Aragon comme Genet ont leur couvert dressé à la table familiale… Rien ne semblait donc la prédestiner à l’âpre existence des toreros. Rien, si ce n’est les légendes familiales, qui font d’elle la petite-fille d’un manouche, la sœur de sang des gitans des Saintes-Maries-de-la-Mer… Devenue torero à force d’acharnement et de travail, Marie Sara a prouvé qu’elle a du courage, de la passion… du talent. Le témoignage d’une femme belle et séduisante qui vit dans un monde d’hommes et qui en accepte les codes et la liturgie, par vocation, par passion.